REVUE DE L’ASSOCIATION ROUSSILLONNAISE D’ENTOMOLOGIE
1992 Tome I (3) : 6-8.
QUE PENSER DU TRAITEMENT CONTRE LA PROCESSIONNAIRE DU PIN ?
par Serge PESLIER
Telle est la question que Monsieur Robert, maire de Jujols (66), et Monsieur Pompidor, directeur de la réserve, m’ont posée à l’automne 1990.
Néophyte en la matière, je me suis adressé directement au plus grand spécialiste connu, Monsieur Demolin de l’INRA d’Avignon. Grâce à ses renseignements, j’ai obtenu de la documentation concernant les processionnaires et les divers produits utilisés contre elles par les services de l’O.N.F. Monsieur Mitjaville de l’O.N.F, à Prades m’indiquait le nom du produit employé en septembre 1989 et 90 à Jujols : le DIMILIN.
- BIOLOGIE DE LA PROCESSIONNAIXE DU PIN,THAUMETOPOEA PITYOCAMPA(Denis et Schiffermüller, 1775) :
Thaumetopoea pityocampa est un Lépidoptère univoltin (une seule génération par an), que j’ai capturé en nombre à Jujols, surtout au mois de juillet vers 1500 m d’altitude.
Les oeufs pondus par 200 ou 300 éclosent en août- septembre. Les jeunes chenilles tissent des nids provisoires lors de leurs déplacements. Ce tissage est lié à la température. En effet, le nid est un radiateur solaire que les chenilles utilisent en fonction de leurs besoins en calories. Le gain en calories est ainsi évalué à 1,5°C par heure d’insolation. Le nid a donc un effet tampon sur la température. Les températures extérieures limites supportées par les chenilles groupées à l’intérieur sont comprises entre -10, -12°C et +32°C.
Le nid définitif d’hiver est fabriqué par les chenilles au quatrième stade. C’est à ce stade que les chenilles possèdent en abondance les poils urticants. Les chenilles s’alimentent normalement la nuit, si la température dépasse 0°C, sinon elles attendent le jour lorsque la température du groupe atteint 10°C. La colonie en procession diurne s’arrête immédiatement dés qu’un emplacement où la température dépasse 20°C est découvert pour tisser le nid.
Dés les premiers beaux jours (normalement avril à Jujols), les chenilles reprennent leur activité, effectuent leur cinquième mue et commettent alors les plus gros dégâts. Puis, elles descendent des arbres en procession pour s’enfouir dans le sol afin de se nymphoser. Cette phase enterrée peut se prolonger 1, 2 ou 3 ans, ce qui fait que, chaque année, des papillons issus d’autres générations peuvent voler avec la génération annuelle.
- LE DIMILIN :
Le DIMILIN est l’appellation commerciale du diflubenzuron, produit découvert en 1972.
- l. Propriétés et mode d’action :
Le diflubenzuron déposé par voie aérienne sur les forêts de pins au mois de septembre est ingéré par les chenilles des premiers stades. Il perturbe gravement le dépôt de chitine dans la cuticule de ces chenilles. Dans les 48 heures suivant une mue, l’épaisseur de la cuticule double alors que dans le cas d’une ingestion de diflubenzuron l’épaisseur reste identique à celle de la mue précédente. De ce fait, soit la chenille ne peut se débarrasser de sa dépouille, soit elle y parvient mais la nouvelle cuticule étant trop mince celle-ci éclate. Dans les deux cas la chenille meurt.
- 2. Actions sur les diverses formes animales :
Le diflubenzuron agit donc uniquement sur les stades larvaires des insectes qui l’assimilent par leur nourriture. Incorporé dans une solution huileuse pour l’épandage, il persiste plusieurs mois sur les aiguilles de pin ainsi que sur toutes les plantes persistantes. Dans le sol, il est dégradé en quelques semaines. Une étude réalisée au Mont Ventoux a démontré que les populations soumises au D~IN ne se rétablissent à leur niveau initial qu’au bout de trois ans. Le diflubenzuron n’a pas d’action sur les insectes suceurs et les acariens car il ne pénètre pas dans les végétaux, ni sur les insectes adultes de par son mode d’action. Pulvérisé par hélicoptère à la dose de 75 g/hectare, il permet de préserver en partie d’autres insectes moins sensibles à son action, ainsi que les parasites associés comme les diptères de la famille des tachynaires. Le diflubenzuron ne présente pour les mammifères aucun effet toxique, pas de pouvoir mutagène ni d’effets tératogènes ; il ne présente pas de toxicité pour les oiseaux, poissons, mollusques et crustacés. Les coléoptères adultes ne sont généralement pas affectés, de même, les araignées sont très tolérantes.
Ce produit apparaît donc comme un insecticide sans effets secondaires défavorables sur la faune auxiliaire des forêts.
III. QUELLE REPONSE DONNER AUX RESPONSABLES D’UNE RESERVE ?
Evidemment, comme toujours, tout est question de moyens. Les traitements par hélicoptères étant, pour la part qui revient aux communes, d’un coût modique, leur utilisation est inéluctable lorsque de grandes surfaces sont attaquées par les chenilles.
A partir de ce constat, il faut savoir que, d’une part, un traitement au DIMILIN tous les trois ans est largement suffisant (sources INRA) et que d’autre part, le traitement peut être effectué avec précision : l’hélicoptère traitant par bandes de 18 mètres de large.
Mais, quelle serait la solution idéale pour une protection optimale des autres espèces non liées aux pins ? Le traitement aqueux par vaporisation à partir du sol sur les seuls arbres attaqués (si leur hauteur le permet) serait un procédé vraiment spécifique à la Processionnaire du Pin et qui garantirait l’équilibre du milieu.